jeudi 28 mai 2009

Enfin un avion présidentiel!


Le Bénin peut se targuer désormais d’avoir aussi un avion pour les voyages de son président. L’appareil a atterri hier à la base militaire de l’aéroport international Bernardin Cardinal Gantin de Cotonou.

Fini l’avion stop ou les locations à prix d’or. Le président de la République peut désormais voyager sans attendre que ses pairs des pays voisins lui offrent l’hospitalité à bord de leur avion. Car, depuis hier, il trône fièrement un Boeing 727 à la base militaire de l’aéroport international de Cotonou. Selon certaines sources proches de la présidence, l’Etat béninois a acquis cet appareil grâce à un deal avec l’homme d’affaires béninois, Martin Rodriguez. En fait, affirment ces sources, cet avion aurait pu revenir au Bénin sous le régime précédent du Général Mathieu Kérékou. Mais, compte tenu de certaines divergences, le processus n’a pu aller à son terme. Pendant ce temps, il faut signaler que l’Etat béninois a investi dans l’aménagement et la mise au propre de l’appareil. Et cette fois-ci, c’est chose faite. D’après nos sources, il reste au président de la République, le Dr Boni Yayi de remplir sa part du contrat. En quoi cela consiste-t-il ? Rien de précis n’est avancé. Cependant, on se doute bien de ce que cela pourrait avoir rapport avec les difficultés de l’homme d’affaires à exercer depuis un certain temps en toute tranquillité au Bénin. Tout compte fait, le Chef de l’Etat béninois, tient là une occasion de respecter ses promesses. Puisqu’il est souvent taxé de ne pas avoir de parole par ses anciens alliés politiques. Mais, on l’imagine ne pas tenir parole.

Car, comme le disent certains informateurs, cet avion est en très bon état avec un luxe digne d’un chef d’Etat. En visite dans un pays européen où l’avion était entreposé, le président et sa délégation, auraient d’ailleurs été tous charmés après l’avoir inspecté. Alors, s’il est vrai que cela vient combler un vide et rétablir l’honneur du Bénin à ce niveau, on voit mal le Dr Boni Yayi ne pas respecter les clauses du deal qui le lierait à l’homme d’affaires. Pourra-t-il se sentir à l’aise dans sa peau d’homme et de Chef d’Etat, s’il n’honorait pas sa part du contrat et qu’à chaque occasion, il emprunte fièrement ledit avion ? Il s’agit tout simplement d’un cas de conscience.

Benoît Mètonou

lundi 25 mai 2009

Insolite à l’école primaire Sègbèya – Nord : Une cinquantaine de crânes humains déterrés


Environ cinquante jarres contenant des crânes humains ont été déterrés à l’école primaire publique de Sègbèya-Nord dans le troisième arrondissement de Cotonou. C’était vendredi 22 mai dernier, au cours des travaux de construction d’un hangar pour les dames vendeuses de nourritures aux jeunes écoliers de ladite école.

Découverte insolite…Alors que des maçons commis pour construire et terrasser le hangar servant aux dames vendeuses de nourritures aux jeunes écoliers de l’école primaire publique de Sègbèya-Nord creusaient le sol, ils ont été arrêtés dans leur élan par la présence d’objets solides. C’est alors que, poussant leur curiosité, ils ont découvert une cinquantaine de jarres au contenu très surprenant. Ces jarres contenaient en effet des crânes humains et d’autres accessoires. A en croire Hyacinthe Agbahê, directeur du groupe C de l’école primaire de Sègbèya-Nord, aussitôt les jarres et leur contenu découvert, appel a été fait aux notables et sages des quartiers Sègbèya et Hlacomey, mais aussi aux autorités administratives et policières qui ont immédiatement ouvert une enquête. Pour Anselme Gandonou, chef du troisième arrondissement de la ville de Cotonou, cette découverte en aucun cas, ne saurait être assimilée à des pratiques de sorcelleries ou à des meurtres quelconques qui auraient été perpétrés. Le nombre impressionnant de ces jarres découvertes fait aussi qu’on ne peut penser au résultat d’un crime. Selon Anselme Gandonou, les jarres découvertes avec des crânes humains font suite à une cérémonie dite « Ayissoun » et qui serait une pratique des peuples Goun, Sêto, Toffin et Wla. Le « Ayissoun » consiste en effet pour ces peuples, à exhumer les têtes de leurs défunts, à les mettre dans une jarre et à les enterrer ensuite dans un endroit choisi de commun accord. Pour ce qui est des jarres découvertes à l’école primaire de Sègbèya-Nord, elles auraient été enfouies dans le sol depuis une soixantaine d’années, voire un siècle, époque où la pratique existait encore.
L’argument de la cérémonie « Ayissoun » est plausible. Mais la police saisie de l’affaire a ouvert une enquête afin de déterminer si une piste criminelle peut être suivie.


Yves-Patrick LOKO

dimanche 24 mai 2009

Le rançonnement policier règne en maître dans les commissariats


Jeudi 21 mai dernier, alors qu’un homme était en train d’être froidement abattu par des malfrats, faute d’assistance de la part des forces de l’ordre, certains policiers du commissariat de Dantokpa se livraient à l’arnaque et au rançonnement des usagers de la route.

Le rançonnement des paisibles usagers de la route qui a connu un terme sur les grandes voies grâce à l’implication des autorités reprend de plus bel. Cette fois-ci, ce sont les commissariats de zone qui sont les lieux de prédilection des policiers sans foi ni loi qui arnaquent à leur gré et selon leur bon vouloir, les populations.
Pour ce qui est du jeudi dernier seulement, alors qu’un honnête citoyen est froidement abattu par des braqueurs, les policiers au lieu de le secourir étaient en train tout simplement de se livrer à leur vilaine pratique. Le système mis en place est simple…Deux policiers sont postés aux feux tricolores de Missèbo et arrêtent tous azimuts les propriétaires de motos et demandent à voir leurs pièces d’identité. Ceux qui ne sont pas en possession de leurs pièces voient leur moto confisquée. Jeudi dernier, alors que certains ont été dépossédés de leur moto, ils sont allés chercher leur carte d’identité croyant récupérer leur engin. Dommage, ils se voient chasser comme de vulgaires délinquants. En fait, c’est une stratégie qui consiste à saper dans un premier temps le moral de l’usager avant de lui proposer le paiement d’une somme de 3.000F pour récupérer sa propriété. Toute la nuit du jeudi à vendredi dernier durant, le commissariat de Dantokpa s’est livré à cette pratique avilissante pour la police nationale. Ceux qui osaient demander un reçu en contrepartie se voyaient éconduits sans aucune forme de procès. La police de Dantokpa ne poursuivant qu’un seul objectif, gagner le plus d’argent cette nuit-là. Et, c’est avec la bénédiction du commandant du commissariat que les agents, souvent de jeunes recrues, se sont livrés à cette arnaque et ce rançonnement inqualifiable.
En agissant ainsi, le commissariat de Dantokpa sabote les efforts de toute la corporation policière qui veut redonner à ce corps, ses lettres de noblesse. Le commissariat de Dantokpa est rempli d’agents arnaqueurs que la direction générale doit vite mettre hors d’état de nuire.
Le ministre Armand Coovi Zinzindohoué est vivement interpellé.

mardi 12 mai 2009

Entretien avec Camille Amouro : Le peuple ne peut pas être innocent


A l’occasion du démarrage des répétitions de sa pièce Brenda Oward, nous avons rencontré Camille Amouro pour lui poser quelques questions sur le sens de sa démarche. Par la suite, il abordera avec nous certain détail de ce salame en cinq journées.

Camille Amouro, vous venez d’écrire Brenda Oward, un salame en cinq journées. C’est une critique acerbe de la société béninoise et de ses mœurs. Cette pièce sera montée et présentée au prochain FITHEB. Par une compagnie française. Comment concevez-vous que des artistes d’origine non béninoise comprennent notre société au point de nous renvoyer le miroir ?
D’abord, cette pièce n’était pas destinée au FIRHEB. C’est une commande pour un théâtre dans la région lyonnaise. La création devait se faire en mars, alors que le FITHEB a lieu en février. Je n’avais pas envisagé qu’elle pourrait être présentée à ce FITHEB-ci. C’est d’ailleurs la presse qui m’a d’abord informé de sa programmation avant que le commanditaire me le confirme. Ceci dit, je crois qu’il est intéressant de le voir ici. Lorsque vous écrivez une pièce, vous ne focalisez pas sur un public en particulier. Vous vous exprimez. Et plus votre parole paraît universelle, mieux vous vous sentez. Mon objectif à aucun moment n’a été de critiquer la société béninoise. Je crois que je fais suffisamment dans mes chroniques.


Quel était votre objectif ?
Mon objectif a été de présenter l’individu humain dans sa complexité et sa brutale solitude à l’intérieur des institutions ringardes où il doit s’assumer. Ainsi, ce salame se déploie dans plusieurs cadres. D’abord à la frontière du Libéria, en pleine guerre, en 1993, ensuite au Bénin en 2005, puis en France en mars 2006. Chacun de ces cadres présente des aspects structurels parfois dérisoire. J’ai voulu insister sur la part de dérision de ces lieux, de ces périodes, à partir d’histoires vraies et vécues.


Mais la part béninoise prend une grande proportion…
Normal. Je suis béninois, je vis au Bénin et j’ai écrit la plus grande partie de la pièce dans ma demeure à Porto-Novo. Si mon objectif n’a jamais été de critiquer la société béninoise, il ne reste pas moins que lorsqu’un personnage évolue, il trace sa destinée. S’il est du Bénin, il se déploie au Bénin et le travail de l’auteur peut consister à rester vigilant pour ne pas donner une image vulgaire de la réalité où il vit. L’auteur, me semble-t-il, doit avoir la vigilance de renvoyer sa propre convulsion des choses qu’il voit et qu’il ressent. Voilà pourquoi je refuse de m’autocensurer à la pensée que des occidentaux vont lire et même interpréter cette pièce. Il n’y a rien que j’ai écrit dans cette pièce qu’ils ne sont pas capable de voir dès qu’ils débarquent. De même, tout ce que j’ai écrit de la France ou du Libéria, je l’ai vécu au même titre que mes personnages.


Vous auriez tout de même pu monter cette pièce ici, pour les Béninois…
Non. Je vous dis que c’est une commande. Cela veut dire que je suis payé pour l’écrire. Franck Taponar, le metteur en scène, me l’a commandée en début d’année. Il m’a dit : il y aura deux acteurs (un Français blanc et un Béninois), un musicien et un graphiste. Je te laisse le choix du sujet. Je lui ai envoyé le projet d’un salame en cinq journées dans lequel un Français ordinaire visite le Bénin et rencontre un zemijan. Les deux racontent chacun l’histoire de l’autre à un public français. Voilà. Mais depuis 1993, l’influence de ce que j’ai vu et vécu au Libéria est récurrente dans mon écriture. Alors, Brenda Oward s’est infiltrée par là.


Qui est Brenda Oward ?
C’est une jeune fille que j’ai rencontrée devant mon hôtel à Danané, en Côte d’Ivoire, et avec qui j’ai eu une petite conversation. Elle venait de perdre tout ce qu’elle avait sur terre (parents, amis, biens) et elle se retrouvait, à vingt ans, dans la même situation que quelqu’un qui venait de naître et à qui tout paraissait étranger.


Quel est le rapport avec les deux personnages de votre projet ?
Chacun d’eux vit la même situation dans des contextes différents. Elie, le blanc, au Bénin où il ne connaissait personne, Motolari, le noir, qui est d’une culture mixe et qui s’est autoproclamé fou pour assumer sa solitude.
Vous écrivez d’ailleurs : « Depuis que j’ai acquis mon statut de fou, j’ai la permission de penser, la liberté de réfléchir. Je les ai bien eu sur ce coup. C’est un luxe sans grande importance, mais quand on ne l’a pas, cela vous manque jusqu’aux entournures. Or, notre histoire ici est une fatalité de ridicule. Trois étapes en tout et pour tout : avant la révolution, avant le renouveau démocratique et avant le chaos. Mais il est interdit de penser le chaos, même si les ingrédients préparateurs vous tapent à l’œil. Alors, on préfère dire depuis l’avènement du renouveau démocratique. Cela ne gêne personne et personne ne vous en veut. »
Oui. Et j’écris juste avant, dans la bouche d’Elie : Disons que globalement, notre histoire est relativement récente et ne comporte que deux périodes : avant la fracture sociale et après la fracture sociale. Mais, franchement, pour nous, cela revient à considérer la corde autour du cou du mouton ou le cou du mouton dans la corde. Il y a toujours le mouton, son cou et la corde autour. (Soupir). Ces derniers temps, j’ai décidé de compter dans la vie. Pour moi-même et pour quelques autres, fussent-ils d’autres restes du monde. Et je suis parti sur d’autres territoires. Je me suis perdu des fois. Mais maintenant, je reviens morceau par morceau.


Dans votre satire sur le Bénin, vous semblez banaliser la part des politiciens. A part cette séquence dont la suite revêt d’ailleurs des allures pessimistes puisque vous prédisez le chaos, vous êtes revenu une seule fois sur les politiciens en écrivant : « le rôle d’un gouvernement dans ces pays-là, c’est de soutenir la position française à l’ONU ». Le peuple est-il responsable de son mal être d’après vous ?
Oui. Ici comme ailleurs, le peuple ne peut pas être innocent. Il n’en a pas l’autorisation. Il est responsable des dirigeants qu’il élit librement, ou qu’il assume dans la résignation. Et puis, ne nous leurrons pas ! Toute la pagaille actuelle arrange bien des gens. C’est pour cela qu’elle perdure. On a comme l’impression d’une conspiration souterraine où les uns sont arrangés par l’immobilisme et la paresse des autres. Pour moi, le vrai démocratique, ce n’est pas les élections. C’est de déterminer d’abord les valeurs que nous revendiquons collectivement et dans quelle mesure les garantir. Après seulement, nous choisirons qui peut les garantir parce que nous saurions clairement pourquoi nous les choisissons.
La téléphonie, la santé, l’éducation, l’électricité et l’eau, le train de vie des citoyens, l’habitation, la hausse des prix, la politique démographique, les carburants, les relations avec l’extérieur, le mariage… tout y passe. Et vous semblez définitivement pessimiste en citant l’Ecclésiaste : « celui qui augmente sa sagesse augmente sa douleur ».
L’Ecclésiaste n’est pas un livre pessimiste. C’est un livre de sagesse. C’est la conclusion à une vie dense, pieuse, intense, riche. Je ne peux pas en dire autant de tous les livres. Et le passage que j’ai cité intervient en chute comme pour dire sois imbécile et tu seras heureux. Franchement, quand nous nous observons dans cette ville de Cotonou, est-ce que nous sommes frappés par autre chose ?


Votre pièce sera présentée en pleine campagne électorale. Etes-vous candidat ou avez-vous déjà un candidat ?
Je n’en ai aucun. Et je ne pense pas que j’irais voter. Sauf si entre temps quelqu’un arrive à me convaincre par un discours destiné effectivement au peuple. Je suis du peuple. Et j’ai envie d’entendre des propositions terre à terre. Style : qu’est-ce qu’on fera pour les parents qui continuent de manquer du respect à leur progéniture ? Les dames qui remplissent leur salons et ne travaillent qu’avec leur bouche pour appeler telle ou telle petite filles qu’elles emploient au lieu de les envoyer à l’école ou en apprentissage. Les patrons qui paient moins du smic à leurs employés, les hommes qui considèrent leur épouse comme une propriété privée de moyen de production… toutes les questions de tous les jours que nous feignons d’ignorer en prétendant gouverner le Bénin. Dernièrement, un monsieur m’a aborder pour faire campagne. Je lui ai demandé, si tu découvres que ton épouse te trompe avec un autre, qu’est-ce que tu feras ? Il m’a répondu : je tue le monsieur avec qui il me trompe et je la renvoie ensuite. Je lui ai répliqué qu’il n’est pas un démocrate. On aura l’occasion de continuer cet entretien.


Propos recueillis par Yves-Patrick Loko